Les analyses de la contingence structurelle
Quels processus de structuration ?
Comment gérer la structure ?
Problème de management
Après avoir repéré les formes existantes et recherché leurs caractéristiques générales, on vise à proposer des facteurs qui expliquent ces choix en prenant appui sur des théories. Dans cette optique, la contingence signifie l'existence d'une corrélation entre des caractéristiques.
On considère que les configurations de Mintzberg relèvent également de cette approche.
Q: pourquoi certaines structures semblent-elles plus adaptées à des modes de management des organisations ?
Structure et technologie
Cette approche est basée sur les recherches de la sociologue Joan Woodward (1965) qui étudie les relations humaines dans des entreprises industrielles britanniques. Elle a réalisé de nombreuses observations de type "études de cas" qui font apparaître le rôle clé des processus de production dans la structuration de ces organisations.
En fonction de la technologie de production retenue la structure est différente :
=> pour la production unitaire on observe une structure organique avec peu de hiérarchie et beaucoup d'ajustement mutuel : elle est peu formalisée ;
=> pour la production de masse on observe une structure mécaniste avec une forte hiérarchie et une standardisation des procédés : elle est plus rigide ;
=> pour la production continue on n'observe pas de structure type mais une standardisation des qualifications et beaucoup d'ajustement mutuel.
L'analyse de Woodward ne vise pas à proposer une structure idéale, on cherche simplement un facteur explicatif de nature interne à l'organisation.
Structure et environnement
Cette approche part des travaux des sociologues Burns & Stalker (1961) qui mènent une recherche empirique où les facteurs extérieurs d'influence des organisations (l'environnement) sont au centre de l'explication de la structure :
=> la structure est mécaniste dans un environnement simple et stable : elle est rigide et repose sur le contrôle ;
=> la structure est organique dans un environnement complexe et incertain (ajustement mutuel et standardisation des qualifications) : elle est plus souple pour s'adapter aux évolutions.
Cette analyse est approfondie par les travaux plus poussés et plus prescriptifs des professeurs de management Lawrence & Lorsch (1986) : au delà de l'explication, ces auteurs défendent l'idée que les structures sont plus ou moins adaptées à l'environnement. Leurs premiers travaux remontent à 1967 et ont été actualisés. C'est plus qu'une causalité mais cela ne permet pas non plus d'identifier clairement la meilleure structure.
Lawrence & Lorsch établissent ainsi la théorie de la contingence qui fait de l'environnement le critère clé de la structuration des organisations :
=> l'environnement est en général incertain, complexe et composé de sous-systèmes (ex: la technologie, les ressources humaines, les conditions du marché...) ;
=> l'organisation doit se différencier en fonction des contraintes de chaque sous-système c'est-à-dire s'adapter à la diversité des attitudes et des comportements des membres et partenaires de l'organisation : l'organisation va ainsi créer des unités administratives spécifiques (ex: une direction de la qualité, une mission développement durable...) ;
=> les organisations les plus performantes sont celles qui parviennent à intégrer ces sous-systèmes dans une structure cohérente : l'organisation va ainsi coordonner ses unités administratives (ex : fonctionnement en mode projet, mise en place de comités ou de réunions entre services...).
Les meilleures structures parviennent à combiner différenciation et intégration.
Structure et stratégie
Cette approche est issue des travaux d'histoire des entreprises d'Alfred Chandler ( 1918-2007). Il observe plusieurs grandes entreprises aux Etats-Unis depuis le XIXe siècle puis étend ses analyses à la Grande Bretagne et l'Allemagne qui ont connu une forte croissance. Il en tire une double conclusion :
=> la stratégie influence la structure (sans que cela soit systématique) : l'implantation sur de nouveaux marchés nécessite de modifier les processus de répartition, de coordination et de contrôle des activités. Ex: la forme multidivisionnelle est choisie par les entreprises diversifiées alors que les entreprises mono-produit adoptent une forme fonctionnelle ;
=> la structure influence la stratégie : les mécanismes choisis par une organisation déterminent la circulation des informations, la formulation des objectifs, le positionnement ou la prise en compte des intérêts des acteurs. Ex : choisir de fermer une filiale à l'étranger ou dans le pays d'origine.
Chandler oppose ainsi le fonctionnement de l'entreprise qui permet une coordination centralisée et du contrôle aux marchés qui sont décentralisés et où aucun acteur n'a d'influence sur la formation des prix. Il met ainsi en valeur le rôle crucial des managers (la main visible).
Repères bibliographiques
BURNS, Tom & STALKER, George : The management of innovation, Oxford University Press, 1961
COMET, Catherine : « Capital social et profits des artisans du bâtiment : le poids des incertitudes sociotechniques », Revue française de sociologie, 2007
https://shs.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-1-2007-1-page-67?lang=fr
CHANDLER, Alfred : Stratégies et structure de l'entreprise, Editions d'Organisation, 1962, traduit en 1972
CHANDLER, Alfred : La main visible des managers Une analyse historique, Economica, 1977, traduit en 1988
CHANDLER, Alfred : Organisation et performance des entreprises, Editions d'Organisation, 1990, traduit en 1993, 3 tomes
LAWRENCE, Paul & LORSCH, Jay : Adapter les structures de l'entreprise Intégration et différenciation, Editions d'Organisation, 1986, traduit en 1989
ORY, Jean-Francis ; PETITJEAN, Jean-Luc & COME, Thierry : « Entre différenciation et intégration, le déploiement du contrôle de gestion dans l'université », Question(s) de management, 2018
https://shs.cairn.info/revue-questions-de-management-2018-2-page-105?lang=fr
WOODWARD, Joan : Industrial organization Theory and practice, Oxford University Press, 1965
Pour aller plus loin
BELANGER, Laurent & MERCIER, Jean (dir.) : Auteurs et textes classiques de la théorie des organisations, Presses de l'Université de Laval, 2006