Pilotage opérationnel
Comment appréhender le management opérationnel ?
Problème de management
Le management opérationnel est analysé sous l'angle de la création de valeur, qu'elle soit financière (rentabilité, risque, coûts) ou qu'elle aille au-delà (innovation, efficience). La valeur doit être durable. Chaque organisation doit dès lors repérer ses processus et ses activités propres. On constate ainsi de fortes interdépendances entre les activités supports et les activités principales. Les organisations doivent donc : connaître les rôles de chacun-e (voir spécificités des organisations et management organisationnel) ; analyser les enjeux découlant des activités réalisées (lien avec la stratégie, adaptation à l'environnement, utilité pour prendre des décisions) ; intégrer les nouvelles tendances de fonctionnement (en particulier la transition numérique).
Le terme opérationnel a deux grandes dimensions en management : il fait référence aux fonctions principales de l'organisation (par opposition aux missions fonctionnelles qui sont associées aux tâches administratives) ; il permet de souligner l'adaptation à la tâche à effectuer pour insister sur la réalisation d'un objectif déterminé.
La notion de pilotage concerne l'ensemble des activités qui orientent, influencent, guident et contrôlent le comportement des individus dans une organisation afin d'atteindre des objectifs. Le pilotage est indissociable de la performance ou de la valeur. Toutefois ces concepts restent très généraux et demandent à être clarifiés pour permettre l'action collective.
Q: quelles sont les spécificités du management opérationnel ?
Articulation management stratégique et opérationnel
Les notions sont reliées en principe de manière hiérarchique : la stratégie (les décisions de long terme qui concernent l'avenir de l'organisation) détermine les opérations.
Comme les décisions stratégiques restent rares et soumises à des facteurs externes non maîtrisés par l'organisation, le management opérationnel et le management stratégique sont surtout interdépendants. En effet, la réussite des choix stratégiques dépend de la capacité opérationnelle des organisations ; le diagnostic stratégique interne repose sur des compétences et des ressources qui s'expriment dans le quotidien des opérations.
L'interdépendance est tout aussi forte avec le management organisationnel : la structure de l'organisation est ainsi source de contraintes et d'opportunités ; l'exercice du pouvoir influence la capacité d'action quotidienne ; les organisations doivent favoriser la coopération ou gérer les conflits dans leurs activités opérationnelles.
Choix entre internalisation et externalisation
Ce problème classique en management a déjà été abordé en termes théoriques (avec les coûts de transaction ou les compétences clés) et grâce à la chaîne de valeur de Porter (qui est un outil fondamental du management opérationnel).
La valeur est une notion relative qui exprime le rapport qualité/prix des bénéficiaires d'un bien ou d'un service. On l'obtient soit par comparaison avec les autres organisations, soit par une comparaison de la même organisation dans le temps.
L'idée fondamentale c'est qu'une organisation va concentrer ses ressources sur certains processus après avoir déterminé la valeur de cette activité. Ce choix dépend donc des objectifs de l'organisation ; des contraintes issues de son environnement ; de ses ressources et de ses compétences actuelles.
En management opérationnel, il faut donc suivre un double questionnement. Combien cela coûte-t-il à l'organisation de faire ? C'est le rôle du contrôle de gestion et de la finance d'entreprise. Quelle est la qualité du bien et du service produit par l'organisation ? C'est le rôle du pilotage des procédés et de la production.
Le pilotage opérationnel permet également d'apprécier la capacité d'une organisation à "faire" dans les meilleurs délais. Les travaux de Bertrand Quélin sur l'externalisation montrent ainsi que ces processus de transferts d'activité vers un partenaire illustrent l'articulation entre la stratégie d'une part et les opérations de l'autre. Le critère fondamental retenu à court terme est souvent le coût mais rien ne garantit que cela soit durable.
Intégration des activités
A l'image des processus de coordination qui organisent les relations entre individus dans les structures, il faut penser les activités quotidiennes du management opérationnel dans une optique de cohérence.
Les travaux de Philippe Lorino, grand spécialiste du contrôle de gestion, insistent ainsi sur deux aspects clés du pilotage opérationnel : l'environnement est incertain et complexe ; chaque acteur a des connaissances propres. Ainsi cela implique des différences d'interprétation du processus de création de valeur dans les organisations.
Le pilotage par une approche intégrée permet de favoriser les apprentissages collectifs et atteindre des valeurs partagées. On l'associe à une réflexion de fond sur les indicateurs à mobiliser et au choix des outils de gestion les plus adaptés. Ainsi, on peut faire référence à la notion d'alignement stratégique développée par Henderson et Venkatraman (1993) dans le domaine des systèmes d'information : ils soulignent le besoin de cohérence avec la stratégie (ex : pour faire face à la concurrence) et la nécessité d'une intégration fonctionnelle des infrastructures numériques. C'est une approche qui s'inspire des théories de la contingence.
L'intégration est à relier aux évolutions des structures. Il est plus difficile de piloter quand le management organisationnel est complexe (grand groupe, frontières floues...). L'intégration des activités doit également prendre en considération les enjeux de pouvoir et les processus d'animation. L'organisation cherche à combiner l'efficience des processus et l'implication des acteurs.
Conclusion
Pour s'adapter et être capable de changer, l'organisation doit piloter ses activités afin de pouvoir réaliser au quotidien ses objectifs stratégiques, avec ses parties prenantes et dans la durée. La recherche de Cécile Ennajem basée sur sa thèse décrit ainsi l'évolution du rôle des contrôleurs de gestion. Elle montre que le pilotage doit être proche des attentes des managers opérationnels. Le contrôleur de gestion joue un rôle de conseil et d'interface pour aider à la décision.
Repères bibliographiques
HENDERSON, John & VENKATRAMAN, Venkat : «
Strategic alignment: Leveraging information technology for transforming organizations », IBM Systems Journal, 1993
LORINO, Philippe : Comptes et récits de la performance Essai sur le pilotage de l'entreprise, Editions d'Organisation, 1995
QUÉLIN, Bertrand, « L'externalisation : de l'opérationnel au stratégique », Revue française de gestion, 2007 https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-8-page-113.htm
RENAUD, Alexandre : « John C. Henderson et N. Venkat Venkatraman L'alignement stratégique ou le changement de dimension des systèmes d'information dans les organisations » in Les Grands Auteurs en Systèmes d'information, Isabelle WALSH, Michel KALIKA & Carine DOMINGUEZ-PÉRY (dir.), EMS Éditions, 2018
Pour aller plus loin
ENNAJEM, Cécile, « La construction de nouvelles relations entre contrôleur de gestion et managers opérationnels dans le contexte d'un contrôle de gestion décentralisé », Recherches en Sciences de Gestion, 2019