Problématiques managériales
Comment analyser les activités d'une organisation ?
Problème de management
Le management opérationnel peut reposer sur des approches synthétiques qui visent à dégager des principes de pilotage structurés autour d'objectifs communs clairs pour les acteurs. Cela permet de tenir compte du contexte de l'action collective : les contraintes de temps et d'espace (urgence, taille de l'organisation, localisation) ; l'impact de la concurrence mondiale (pour produire, s'approvisionner, se financer ou distribuer) ; la diffusion du numérique (quantité et rapidité des données).
Évoquer le terme de "problématique managériale" consiste à identifier les obstacles rencontrés pour la gestion d'une organisation afin d'y répondre efficacement. L'ensemble des objectifs et des variables à disposition sont souvent contradictoires. Leur combinaison permet de mettre en valeur des paradoxes : combiner court et long terme ; garantir la qualité en contenant les coûts ; créer de la valeur pour l'ensemble des parties prenantes ; obtenir une gestion cohérente des stocks et des flux ; traiter les informations pertinentes ; préserver sa capacité de changement ; exploiter les compétences des acteurs ; articuler la structure de l'organisation avec celle des partenaires...
Q: quels sont les outils opérationnels qui permettent de gérer les paradoxes ?
Qualité
L'ISO (organisation internationale de normalisation) définit la qualité comme l'aptitude d'un ensemble de caractéristiques à satisfaire des exigences. La notion a été abordée en gestion de la production. La qualité est progressivement devenue une démarche d'ensemble pour le management des organisations : elle est un facteur de différenciation ; de sécurité (pour les clients ou les salariés) ; d'efficacité (en termes de délais ou de stocks notamment). Le management de la qualité repose avant tout sur les besoins et les réponses apportées aux clients/bénéficiaires/usagers.
On peut estimer le coût d'obtention de la qualité en se basant sur les dépenses de prévention, de contrôle et des défaillances (internes et externes). De nombreux travaux de recherche, publiés essentiellement dans les années 1980 et décrivant les pratiques mises en œuvre dans les organisations japonaises, ont fourni des outils managériaux de la qualité totale.
Edwards Deming (1900-1993), statisticien, a ainsi mis en valeur le processus d'amélioration continue sous forme schématique autour de 4 principes : plan/do/check/act (prévoir, faire, vérifier, réagir).

Kaoru Ishikawa (1915-1989), ingénieur en chimie, a combiné des outils statistiques et descriptifs opérationnels qui permettent d'analyser les procédures et de dégager des moyens d'action. Il a ainsi introduit le diagramme causes/effets.

Joseph Juran (1904-2008), ingénieur en électricité, a mobilisé la loi des 20/80 pour repérer statistiquement les phénomènes qui ont les conséquences les plus lourdes en termes de qualité.
Shigeo Shingo (1909-1990), ingénieur, a proposé de dépasser le contrôle statistique a posteriori en développant le contrôle à la source grâce à des systèmes anti-erreurs, simples, qui arrêtent la production ou activent des alarmes.
Masaaki Imaï (1930-2023), professeur et consultant, a analysé la démarche d'amélioration graduelle continue (kaïzen) qui permet d'augmenter les normes de qualité et de les atteindre réellement. Son approche englobe les outils du management de la qualité totale : suggestions des opérateurs, liaison entre innovation et maintenance...
La qualité comporte toutefois des difficultés : il faut en maîtriser le coût ; il faut maintenir l'effort dans la durée ; les procédures peuvent être lourdes et formelles.
Risques
C'est le domaine de prédilection de la finance : rendre le futur prévisible sur la base de probabilités. La gestion des risques concerne à l'origine les décisions d'investissement, le risque de change ou le risque de marché notamment. Elle s'est également progressivement développée pour guider le management global de l'organisation et s'exprime dans la gestion des risques clients, fournisseurs ou opérationnels. Ainsi Sutra (2019) expose la démarche de cartographie des risques qui intègre la stratégie de l'organisation et son éco-système, incarnée dans la norme ISO 31000. https://www.iso.org/fr/iso-31000-risk-management.html
Le risque est indissociable de la notion d'incertitude. L'organisation doit être capable de réviser son action en présence de nouvelles connaissances. Ainsi l'ISO définit le risque comme l'effet de l'incertitude sur des objectifs. Il est nécessaire de favoriser la cohérence entre les différents niveaux de management de l'organisation.
La gestion des risques doit toutefois porter attention aux phénomènes de "cygnes noirs", Taleb (2007) : il faut tenir compte des événements aléatoires, hautement improbables qui ont un impact très important sur les organisations. Cela permet de prendre en considération les biais cognitifs et des hypothèses sur lesquelles reposent les prévisions (ex : lois statistiques).
Une organisation cherchera ainsi à internaliser les risques à maîtriser (ou qui peuvent l'être) et externalisera les autres.
Innovation
L'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) définit l'innovation comme l'ensemble des démarches scientifiques, technologiques, organisationnelles, financières et commerciales qui aboutissent à la réalisation de produits ou procédés technologiquement nouveaux ou améliorés. La notion a été abordée en management stratégique et en gestion de la recherche-développement.
https://www.oecd.org/fr/sites/strategiedelocdepourlinnovation/definirlinnovation.htm
L'innovation est un processus qui peut concerner de nombreux niveaux de l'organisation (de la conception de produit à la commercialisation) et vise à se différencier. Dès lors, les organisations cherchent à piloter l'innovation qui reste une activité fondamentalement aléatoire.
Les analyses de l'innovation de rupture soulignent ainsi qu'il s'agit essentiellement de pouvoir gérer un changement de métier de l'organisation. Il faut combiner les évolutions de l'environnement et la démarche prospective.
Toutefois, le développement de technologies de rupture peut ne pas répondre aux besoins des clients actuels. C'est pourquoi l'organisation doit envisager de créer des structures indépendantes de l'activité dominante et que la taille ou la maturité sont parfois des obstacles.
De même, si une organisation parvient à établir la probabilité d'attirer des clients avec un prix attractif qui assure la rentabilité de l'investissement, il ne faut pas sous-estimer les résistances des parties prenantes qui auront nécessairement lieu. Les travaux de recherche de Clayon Christensen (1952-2020) évoquent ainsi le cas de SAP qui développe un logiciel spécifique aux PME sans avoir cherché la coopération des cabinets de conseil et qui perçoivent l'outil comme une forme de concurrence ; le cas de Monsanto qui développe des aliments génétiquement modifiés mais refuse toute communication autre que commerciale sur le sujet...
https://www.hbrfrance.fr/magazine/2020/03/29401-lheritage-de-clayton-christensen/
Il ne faut pas négliger le rôle tout aussi fondamental des innovations incrémentales (améliorations) voir du hasard qui peuvent avoir autant d'effet qu'une démarche volontaire sur les organisations. Alter (2013) analyse ainsi l'innovation "ordinaire" qui est mise en œuvre par les acteurs hors du cadre hiérarchique et repose sur des processus d'appropriation de la nouveauté et sur l'ambiguïté du changement.
Repères bibliographiques
ALTER, Norbert : L'innovation ordinaire, Puf, 2013, 4e édition
DEMING, W. Edwards : Hors de la crise, Economica, 1982, traduit en 1988
GAREL, Gilles & SARAZIN, Benoît : « Oser s'aventurer en terre inconnue », L'Expansion Management Review, 2014 https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2014-1-page-10.htm
IMAI, Masaaki : Kaizen la clé de la compétitivité japonaise, Eyrolles, 1986, traduit en 1989
ISHIKAWA, Kaoru : Le TQC ou la qualité à la japonaise, Afnor, 1981, traduit en 1984
JURAN, Joseph : Gestion de la qualité, Afnor, 1983
SHINGO, Shigeo : Le système Poka-Yoke Zéro défaut = zéro contrôle, Editions d'Organisation, 1985, traduit en 1987
SUTRA, Géraldine : Management du risque, une approche stratégique, Afnor, 2019
TALEB, Nassim Nicholas : Le cygne noir La puissance de l'imprévisible, Les Belles Lettres, 2007, traduit 2008
Pour aller plus loin
BOWER, Joseph & CHRISTENSEN, Clayton : « Les technologies de rupture Saisir la balle au bond », in Les stratégies de l'incertain, Harvard Business Review, Editions d'Organisation, 1995, traduit en 2000
CHRISTENSEN, Clayton & OVERDORF, Michael : « Répondre au défi du changement radical », in Les meilleurs articles de la Harvard Business Review sur l'innovation, Editions d'Organisation, 2000, traduit en 2003
DEVALAN, Pierre : L'innovation de rupture Clé de la compétitivité, Lavoisier, 2006
GAREL, Gilles & MOCK, Elmar : La fabrique de l'innovation Embarquez pour la conception innovante, Dunod, 2016, 2e édition
GOGUE, Jean-Marie : Traité de la qualité, Economica, 2000
KIM, W. Chan & MAUBORGNE, Renée : « Sachez reconnaître une idée gagnante quand vous la rencontrez », in Les meilleurs articles de la Harvard Business Review sur l'innovation, Editions d'Organisation, 2000, traduit en 2003