Résilience organisationnelle
Quels processus d'animation ?
Problème de management
On repart des situations de crise, ces événements imprévisibles aux conséquences importantes nécessitant des décisions rapides. Les organisations sont dans des contextes exceptionnels et déstabilisateurs. Ainsi, après une difficulté sérieuse, l'organisation met en jeu sa résilience, c'est-à-dire sa capacité à surmonter une crise. Ce n'est pas une attitude générale mais bien la réponse à une situation unique et inattendue.
Q: comment les organisations font-elles face aux crises ?
Sens de l'action
Cette démarche prend appui sur les travaux de Karl Weick, professeur de psychologie et de management, qui portent sur la notion de "sens" au sein des organisations. Il mobilise une approche par processus (et non statique) et considère que cela fait l'objet d'une construction sociale (pour passer du subjectif au collectif).
Les recherches de Weick mobilisent trois concepts : les organisations sont en "interaction" (les individus communiquent et cherchent un sens commun) ; les organisations connaissent un phénomène de "sensemaking" (processus continu par lequel les individus pensent la causalité de leur action) ; les organisations sont soumises à "l'enactment" ou l'énaction (capacité des individus à faire émerger les questions pertinentes dans un environnement donné).
Ainsi le sensemaking fournit une théorie de l'action qui permet de sélectionner des décisions adaptées à l'environnement (en leur donnant un sens clair et compréhensible pour les acteurs). L'enactment implique que les individus créent et influencent leur environnement grâce à des représentations partagées (ex: ce qui est possible, ce qui ne se fait pas, ce qui serait souhaitable). Dans l'approche de Weick, les individus agissent d'abord puis s'efforcent ensuite de trouver un sens à leur action.
Les travaux de Weick permettent ainsi de comprendre le fonctionnement d'organisations bureaucratiques très structurées spécialisées dans les situations exceptionnelles et incertaines : pompiers, centrale nucléaire, transport aérien... Pour faire face aux crises il faudra ainsi développer une attention collective (vigilance) et considérer que la rationalité est "située" : elle est liée à l'action concrète des individus.
Sens, risques et management des connaissances
A partir de l'approche de Weick on peut revenir sur les théories de la décision et sur la communication. Il s'agit de constituer un récit qui permet de faire sens auprès des acteurs ; de légitimer les réponses à des crises ; de retenir des informations pertinentes sur certaines situations. Parmi les registres d'action, l'organisation mobilisera le consensus, les controverses, l'improvisation et s'efforcera d'éviter les quiproquos (divergences entre individus sur le sens de l'action menée).
L'apprentissage est, dans cette optique, aussi fondamental pour l'animation qu'il pouvait l'être pour la structure (en lien avec les analyses d'Argyris & Schön). Toutefois, les individus ne souhaitent pas forcément partager leurs connaissances.
Nonaka & Takeushi (1995) ont ainsi montré, à partir de leur réflexion en stratégie, le rôle clé des connaissances pour le management (qui explique notamment la performance et la capacité d'innovation d'entreprises japonaises). Ils distinguent les connaissances explicites (formalisées et transmissibles) des connaissances tacites ou implicites (qui sont non-formalisées, difficilement transmissibles et propres aux individus) et considèrent qu'existent quatre modalités de transmission des connaissances des individus au collectif :

- la socialisation pour les connaissances tacites et individuelles
- l'externalisation quand les connaissances individuelles deviennent explicites
- l'internalisation pour les connaissances tacites et collectives
- la combinaison quand les connaissances sont explicites et collectives.
Conclusion
L'apprentissage permet de capitaliser les connaissances de l'organisation ; de constituer une mémoire collective (immatérielle) ; de réagir à l'avenir face à des situations proches.
Repères bibliographiques
MAUREL, Dominique : « Sense-making un modèle de construction de la réalité et d'appréhension de l'information par les individus et les groupes », Études de communication, 2010 https://journals.openedition.org/edc/2306
NONAKA, Ikujiro & TAKEUCHI, Hirotaka : La connaissance créatrice La dynamique de l'entreprise apprenante, De Boeck, 1995, traduit en 1997
SZPIRGLAS, Mathias : « Gestion des risques et quiproquos », Revue française de gestion, 2006 https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-2-page-67.htm
WEICK, Karl : The Social Psychology of Organizing, McGraw-Hill, 1979
WEICK, Karl : Sensemaking in Organizations, Sage, 1995
Pour aller plus loin
KONINCKX, Guy & TENEAU, Gilles : Résilience organisationnelle, De Boeck, 2010
LAROCHE, Hervé : « Note critique sur Karl E. Weick (1995), Sensemaking in Organizations », Sociologie du Travail, 1996 https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1996_num_38_2_2274